NOTE D'INTENTION

Parler de l'incroyable modernité de Shakespeare est aujourd'hui un lieu commun.

Et pourtant : Roméo et Juliette est l'œuvre de la jeunesse par excellence. Jamais, sans doute, l'urgence de vivre et la violence des passions nouvelles éprouvées à l'adolescence n'ont été mieux traduites que dans cette pièce. Les deux jeunes amants, « nés sous une mauvaise étoile » découvrent leurs sentiments dans l'éblouissement, et cette pureté les consume.

Autour de Juliette, petite fée plongée violemment dans les joies et les tourments de la passion amoureuse, et de Roméo, figure rimbaldienne qui déjà annonce Hamlet et sa folie, gravitent les autres personnages, par qui le drame survient. En effet, l'intrigue nous révèle un destin qui agit moins depuis les astres qu'à travers les actes irraisonnés perpétués par les membres des deux familles, et même par le frère Laurent, qui dans sa bonté a voulu jouer à Dieu. C'est de l'humain que découle l'issue tragique de l'histoire.

Une œuvre violente, certes, mais aussi infiniment poétique : la brutalité des situations, la grivoiserie des valets rehaussent encore cette finesse infinie du langage. L'amour est ici exprimé en même temps qu'il est découvert. Il fallait un poète pour traduire dans la langue de Molière à la fois la richesse et la simplicité de cette pièce immortelle : Jean Sarment, écrivain, comédien et poète, ami de Jacques Copeau et autrefois interprète de Mercutio à la scène, rend ici justice au grand William.

Au sein de la Compagnie Les Mille Chandelles, les comédiens sont tous animés d'une même passion : rendre aux textes classiques un parfum de tréteaux et une vie qu'on leur a trop souvent ôtés. Notre objectif est simple : raconter cette histoire au public, lui apporter cette poésie incandescente dans toute sa simplicité, dans une pureté scénique propre au théâtre élisabéthain et qui fait écho, pour les personnages, à la mise à nu de leurs sentiments.

Ce sont ici les comédiens qui ont la parole pour faire vivre ces personnages intemporels. Issus de cultures et d'horizons divers, ils apportent chacun une force qui leur est propre. C'est de cette fusion des énergies que, nous l'espérons, naîtra l'étincelle.

La pièce a besoin de l'inconscience de la jeunesse pour mieux briller d'un éclat brut. Nous ne chercherons pas à placer idées et artifices avant les situations, mais nous nous efforcerons de vous raconter l'histoire de Juliette et de son Roméo « comme si vous y étiez », pour qu'elle prenne les couleurs de votre imaginaire.


Baptiste Belleudy (metteur en scène)

Une interview donnée dans le cadre du festival théâtral Au Gré des Arts, est disponible ici

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